Eleveurs locaux : Comment diminuer l’impact « climat » de vos fermes
En novembre et décembre 2024, deux groupes de travail d’éleveurs ont été organisés à Fontain et L’Isle-sur-le-Doubs, dans le cadre d’un partenariat entre Conseil élevage 25-90 et la Chambre Interdépartementale d’Agriculture 25-90. Ces rencontres s’inscrivent dans un projet visant à réduire l’empreinte carbone des exploitations laitières en Bourgogne-Franche-Comté. Les éleveurs, ayant réalisé un diagnostic carbone CAP’2ER, ont cherché à identifier des leviers d’action réalistes et ambitieux pour réduire l’empreinte carbone de leurs fermes. Les scénarios présentés se basaient sur une ferme fictive représentant la moyenne des exploitations, alliant réalité des pratiques et solutions innovantes.
Les participants souhaitaient mieux évaluer les émissions de gaz à effet de serre (GES) de leur ferme et améliorer leur efficacité technico-économique. Le diagnostic était également perçu comme une opportunité pour anticiper les évolutions réglementaires et environnementales, et pour se comparer à des systèmes similaires tout en préparant d’éventuels soutiens financiers.
Scénarios simulés pour les leviers carbone
Des leviers comme l’optimisation de la gestion des troupeaux, l’autonomie alimentaire et la gestion des surfaces ont montré un potentiel de réduction des émissions de GES jusqu’à 28 %, mais des ajustements ont été nécessaires pour garantir leur faisabilité technique et économique.
· Élevage et renouvellement : Réduction du taux de renouvellement à 23 % et de l’âge au premier vêlage à 28 mois. Ces objectifs sont techniquement réalisables, mais jugés ambitieux à cause des contraintes économiques et des exigences des cahiers des charges AOP.
· Autonomie fourragère et réduction des concentrés : Optimisation des concentrés par litre de lait et augmentation des concentrés produits sur la ferme. Cela nécessite une amélioration de la qualité des fourrages et une gestion optimale du pâturage, avec des difficultés à être totalement autonomes en paille, malgré des rotations plus orientées vers des prairies temporaires.
· Gestion des surfaces : Allongement des rotations et augmentation des prairies temporaires pour un meilleur stockage du carbone et une réduction des besoins en engrais. L’introduction de cultures associées, comme des méteils avec des légumineuses, présente un potentiel, mais reste sensible aux aléas climatiques et aux dégâts de gibiers.
Les leviers favoris des éleveurs
Les discussions ont permis aux éleveurs de prioriser certains leviers selon leur impact environnemental, économique et leur faisabilité. Les leviers les plus appréciés figurent dans le tableau ci-dessous :
Leviers | Remarques | Priorité |
Optimiser les prairies temporaires | Acceptabilité forte, consensus pour améliorer la résilience et les GES. | Prioritaire dans les deux groupes |
Optimiser les quantités de concentrés des VL | Impact direct sur les émissions et l’économie. | |
Réduction du recours aux engrais minéraux | Spécifique à un groupe | |
Réduction de la dépendance au soja importé | Acceptabilité forte, enjeu économique. | |
Produire des céréales pour l’autoconsommation | Réduction des achats extérieurs, enjeu d’autonomie. | |
Réduction du taux d’élevage | Acceptabilité forte mais perçue comme difficile techniquement. | |
Augmenter la production laitière par vache | Acceptabilité forte, mais exigeant en termes techniques. | |
Optimiser les effluents organiques | Acceptabilité forte |
En revanche, certains leviers, comme la plantation de haies, la production de légumineuses pures ou l’installation de panneaux photovoltaïques, ont été jugés par les éleveurs plus complexes à mettre en œuvre. Les scénarios les plus ambitieux ont montré des gains économiques importants, mais leur faisabilité technique et la remise en question des pratiques demeurent. Des accompagnements individuels et collectifs sont nécessaires pour les mettre en œuvre.
Réduire son empreinte carbone : entre ambition et réalité
Ces focus groupes ont révélé un fort engagement des éleveurs pour réduire leur empreinte carbone tout en améliorant la résilience économique de leurs exploitations. Les discussions ont toutefois mis en avant le besoin de soutiens techniques et financiers pour réussir cette transition, ainsi que l’importance de mieux articuler les impacts économiques et environnementaux des différents leviers. Un équilibre est à trouver entre réalisation technique, retour économique et réduction des GES. Les échanges ont confirmé l’existence d’un cercle vertueux entre ces dimensions, encourageant une adoption progressive mais ambitieuse des solutions proposées.
Charlotte Coudert, janvier 2025